Courrier adressé au Président du
Conseil Supérieur de L'audiovisuel
Lyon, le 17 avril 2002
Monsieur le Président,
Afin de faire la promotion de la semaine
internationale sans télévision, qui se déroulera
du 22 au 28 avril à l'initiative de la Media Fondation, le
Comité des Créatifs contre la Publicité
envisageait de diffuser un message télévisé, en
achetant un espace sur une chaîne nationale. Soumis
préalablement au BVP, le message concerné à
reçu un avis défavorable et ne sera donc pas
diffusé à la télévision. De la même
façon, le BVP avait refusé en novembre 1999 un message
destiné à annoncer la journée sans achat.
Le BVP a motivé son avis par la
nature non publicitaire du message du CCCP, qui ne fait pas la
promotion de biens, de services ou d'une entreprise commerciale
(selon les termes du décret du 27 mars 1992). Le BVP
considère que le film du CCCP ne peut pas davantage entrer
dans la catégorie des messages d'intérêt
général.
Nous ne saurions accepter l'argument du
BVP, selon lequel la loi n'a pas prévu l'accès des
associations, et de la communication non marchande en
général, à la télévision. Cet
argument nous paraît d'autant moins recevable que si un tel
oubli était avéré, il est difficilement
explicable que le projet de loi sur l'audiovisuel, qui a
été discuté à deux reprises à
l'Assemblée, n'envisage pas, à notre connaissance, de
le réparer.
Aussi sollicitons-nous l'arbitrage du
CSA, conformément à l'autorité que
possède cette instance en matière de contrôle de
la publicité audiovisuelle et d'intervention du BVP. En effet,
il semble manifeste que le BVP a adopté à notre
égard une interprétation restrictive de la loi, qui
semble contradictoire avec l'interprétation
«bienveillante» dont bénéficient d'autres
annonceurs.
Ainsi la télévision
diffuse-t-elle aujourd'hui de nombreux messages, émanant
d'entreprises ou de groupements professionnels, qui relèvent
de façon évidente de la communication institutionnelle
et non de la stricte promotion d'un produit ou d'une entreprise. A
titre d'exemple, il est indéniable que des spots comme ceux de
la Cogema, compte tenu du contexte dans lequel ils sont
diffusés, ne relèvent ni de la publicité ni de
la promotion commerciale d'une entreprise, mais s'adressent à
des citoyens, dans le cadre d'une réflexion sur un sujet,
l'environnement, qui n'est pas d'ordre commercial.
Il semble donc que la loi soit souvent
interprétée de façon bien peu restrictive, et
que la distinction entre communication commerciale et communication
institutionnelle soit rarement préservée. On peut
à cet égard rappeler qu'un spot réalisé
par Amnesty International, concernant les conditions de
détentions aux Etats-Unis, a reçu un avis
négatif du BVP en novembre 1999, tandis qu'une récente
publicité de Benetton, qui exploitait le même sujet dans
une démarche pourtant plus controversée, a
été déclarée recevable par le même
organisme.
Nous nous acheminons donc vers une
situation où, paradoxalement, seules les entreprises
commerciales peuvent exprimer des opinions citoyennes à la
télévision. Il est peu probable que le
législateur ait souhaité cette situation. Comme le
rappelle un ouvrage qui fait autorité dans le droit de
l'audiovisuel, « l'article 17 du décret n° 92-280
ouvrant l'accès au parrainage à toute personne morale
publique ou privée et à ce titre aux associations, on
voit difficilement en vertu de quoi une association qui peut recourir
au parrainage serait exclue des écrans publicitaires
».
Nous serions donc reconnaissant au CSA de
préciser les conditions d'accès des associations
à la communication télévisuelle. Nous vous
proposons également de venir présenter notre
démarche aux membres ou aux collaborateurs du Conseil qui le
souhaiteraient.
Nous vous prions d'agréer,
Monsieur le Président, nos respectueuses salutations.
Projet de loi sur l'audiovisuel (projet de loi
modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative
à la liberté de communication) :
Exposé des motifs
1- La loi du 30 septembre 1986, instaure
un contrôle des émissions publicitaires par la CNCL
(article 14). Si cette autorité s'est effectivement
acquitté de la mission que lui confiait la loi (dans le cadre
d'un comité de la communication publicitaire
radiodiffusée et télévisée), le CSA, qui
a succédé à la CNCL en 1989, s'est
progressivement déchargé de cette tache au profit du
BVP.
Aujourd'hui le BVP, organisme
réunissant majoritairement des professionnels de la
publicité et des médias, assure l'essentiel du
contrôle de la publicité et dispose pour cette raison
d'un pouvoir important. Même si en toute rigueur cette instance
n'émet que des avis, un avis favorable du BVP est exigé
par les diffuseurs. Ainsi le contrôle qu'exerçait la
CNCL conformément à la loi est désormais
assuré de fait par le BVP (cf. document 2 en annexe), le CSA
se limitant à un contrôle a posteriori (décisions
du 25/7/91 et du 22/12/92).
2- Cette évolution, qui conduit
à autoriser une profession à se contrôler elle
même (selon le concept de l'autorégulation) ne va pas
sans poser certains problèmes. Par exemple, le BVP
interprète de façon indéniablement partiale et
contradictoire le décret du 27 mars 1992 (cf. document 1 en
annexe) qui régit l'accès à la publicité
télévisée.
Lorsqu'il s'agit d'autoriser des
associations à diffuser des messages
télévisés, le BVP adopte une lecture très
restrictive de la loi, considérant que les organismes non
commerciaux ne sont pas habilités à diffuser des
messages au sein des écrans publicitaires (article 2 du
décret pré-cité), en dehors des associations
caritatives ou des administrations (article 14 du décret
pré-cité). Il a pris régulièrement des
décisions dans ce sens, la dernière datant de mars
2000.
Cette lecture restrictive de la loi
semble contestable (l'article 14 du décret de 1992 ne
constitue pas une énumération exhaustive, cf. document
3 en annexe). Le CSA l'a récemment approuvé, tout en
recourant largement à la forme conditionnelle. Elle serait
cependant acceptable si le BVP l'adoptait en permanence et
vis-à-vis de tous. Or il autorise régulièrement
des messages qui ne respectent pas strictement la définition
de la publicité télévisée telle qu'elle
figure dans le décret du 27 mars.
En effet, de nombreuses entreprises
diffusent à la télévision des messages qui ne
relèvent pas de la publicité mais de la communication
institutionnelle (en clair du "lobbying") et abordent des sujets de
société tels que l'environnement, la solidarité,
etc. De récents spots de la Cogema ou d'EDF illustrent
parfaitement ce type de messages, qui ne sont destinés, ni
à faire connaître un produit ni à vanter les
qualités commerciales d'une entreprise, mais à peser
dans un débat de société. Or le décret du
27 mars 1992 proscrit cette forme de communication, autorisant
exclusivement les messages destinés à "promouvoir la
fourniture de biens ou de services [ou faisant la ...] promotion
commerciale d'une entreprise". Il est clair que le "lobbying" n'entre
pas dans une telle définition.
Pour illustrer la rigueur "à deux
vitesses" du BVP, on peut évoquer un récent message
télévisé d'Amnesty International, qui s'est vu
refusé par le BVP, au moment même où Benetton
menait une campagne en s'appuyant exactement sur le même sujet,
avec l'accord du BVP.
Aussi assistons-nous à une
dérive selon laquelle les entreprises, à la
télévision, font de plus en plus la promotion de leurs
activités et expriment leurs opinions, ce qui est interdit aux
associations ou aux mouvements de pensée. Nous avons tous
à l'esprit une récente campagne du groupe Totalfina,
qui a démontré le caractère
déplacé, voire choquant, du lobbying auquel se livrent
les entreprises à la télévision.
3- Il est proposé que l'objet de
la communication publicitaire soit désormais inscrit dans la
loi, en reprenant et en clarifiant la définition du
décret du 27 mars 1992, afin de délimiter
l'intervention du BVP et de garantir une égalité de
traitement entre les associations et les entreprises. Cette
définition exclurait les campagnes de communication
institutionnelle ou de "lobbying" de la publicité
télévisée.
Proposition d'amendement
Au chapitre des dispositions diverses du
projet de loi est inséré un nouvel article
rédigé comme suit.
" Le premier alinéa de l'article
14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 est
complété par l'alinéa suivant :
" Constitue une publicité
toute forme de message télévisé diffusé
contre rémunération ou autre contrepartie en vue, soit
de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris ceux qui
sont présentés sous leur appellation
générique, dans le cadre d'une activité
commerciale, industrielle, artisanale ou de profession
libérale, soit d'assurer la promotion commerciale d'une
entreprise publique ou privée, c'est-à-dire de
promouvoir l'ensemble des biens et services commercialisés par
cette entreprise. Sont proscrits les messages portant sur
l'activité générale d'une entreprise, ou
évoquant les actions, les opinions ou les idéaux de
cette entreprise ".
Liste des documents figurant en annexe
1-décret du 27 mars
1992
2-extrait du guide juridique " Les
Questions clés de l'audiovisuel" : " comment s'exerce le
contrôle de la publicité télévisée?
"
3-extrait du guide juridique " Les
Questions clés de l'audiovisuel " : " qu'est-ce que la
publicité télévisée ? "
4-articles de presse
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