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Contre-Grenelle de l'environnement

Intervention de Vincent Cheynet au Contre-Grenelle de l’environnement le 6 octobre 2007 à Lyon
Ce texte est intégré au livre Pour repoliser l'écologie paru aux éditions Parangon

Rendre la parole au politique

Je voudrais pour commencer rassurer Nicolas Hulot. Ce mardi, notre pilote d’hélicoptère préféré a lancé dans le journal Le Monde à son ami Nicolas Sarkozy un vibrant appel : « Monsieur Sarkozy, n’ayez pas peur ! » Nicolas Hulot, rassurez-vous, s’il y a un reproche que l’on ne peut pas faire à Nicolas Sarkozy, c’est bien celui d’avoir peur. Nicolas Sarkozy n’a pas du tout peur de mener sa politique. Cette politique, son Premier ministre l’a définie ce même mardi dernier à l’Assemblée nationale. Je cite François Fillon : « La stratégie du gouvernement, elle est simple : plus de travail, c’est plus de pouvoir d’achat ; plus d’emploi, c’est plus de croissance. C’est notre projet. » Le lendemain, toujours Jean-Louis Borloo rassurait les amis du gouvernement en réaffirmant que le Grenelle de l’environnement n’aurait pas pour conséquence d’alourdir la fiscalité. Le ministre de l’Écologie a fixé le cadre purement capitaliste de l’opération, je cite : « On va être sur un choix de consommation, exclusivement. » Pour les choix de société on repassera donc. Dans ce cadre, il est clair que le Grenelle de l’environnement ne peut être qu’une opération de communication destinée à mieux faire passer le cœur de la politique de Nicolas Sarkozy. Néanmoins, ce Grenelle de l’environnement n’est pas que cela, il s’inscrit dans une perspective beaucoup plus large : celle de vider l’écologie de sa substance politique. Cette opération vise à transformer l’écologie en accompagnement et caution de la politique de croissance productiviste de Nicolas Sarkozy.

Qui peut croire en effet que la réponse à la crise environnementale, mais aussi aux crises sociale ou humaine, se trouve dans le « Travailler plus pour gagner plus » qui a été au centre de la campagne présidentielle du candidat à l’Élysée ? Ce slogan résume à lui seul les valeurs maîtresses de la politique mise en pratique aujourd’hui par Nicolas Sarkozy et ses amis. Il s’agit non pas de défendre le travail mais l’idéologie stakhanoviste, le tout doublé d’une désignation de l’avidité comme valeur centrale sur laquelle devrait se refonder la société. Ce slogan désigne aussi l’incapacité de s’arrêter de travailler comme un objectif social, alors que savoir s’arrêter de travailler est la base de l’intelligence humaine, que savoir s’arrêter de travailler ensemble est tout simplement la condition d’une structuration sociale émancipatrice.
L’idéologie sarkozienne, c’est bien sûr l’amplification assurée de la crise écologique, c’est conjointement un travail de sape des conditions qui permettent une vie sociale harmonieuse et un épanouissement de la personne. C’est un mouvement de régression civilisationnelle. Une société ne va pas loin avec pour valeur centrale celle du fric couplée à l’idéologie stakhanoviste.

La première grande mesure du gouvernement Sarkozy aura été le « bouclier fiscal », c’est-à-dire une incitation pour les plus riches à accroître plus encore leurs revenus. Le journaliste Hervé Kempf du quotidien Le Monde a bien montré, dans son livre Comment les riches détruisent la planète, combien le mode de vie des super-riches est insoutenable écologiquement, comment ce mode de vie a un effet d’entraînement pour le reste de la population, combien surtout ce mode de vie est destructeur socialement. La première mesure prise par le gouvernement Sarkozy est exactement l’inverse de ce dont notre société a besoin pour faire face à la raréfaction des ressources naturelles, et notamment à celle du pétrole.
Nous, représentants des associations, partis, militants, qui participons à ce « Contre-Grenelle de l’environnement », nous préférerons toujours au stakhanovisme la défense d’un travail de qualité, doublée de la défense et de la promotion du temps libre. À la cupidité nous préférons le partage et la sobriété. À la défense des plus riches nous préférons la décroissance des inégalités. À la gloutonnerie nous préférons, non pas l’ascétisme, mais une forme de sobriété qui est le gage d’une existence équilibrée tant pour les individus que pour les sociétés. Voilà pourquoi le RMA, c’est-à-dire le revenu maximum autorisé, qui apparaît au départ comme une mesure sociale est aussi une mesure emblématique pour l’écologie.
La philosophie qui motive ce RMA est bien sûr l’exact contraire des politiques menées par un gouvernement qui fonde son action sur le soutien à tous crins à la croissance, aux riches, au productivisme, à la croissance économique.

Nicolas Sarkozy a affirmé en 2005 vouloir – je cite – « engager en cinq ans les actions nécessaires pour que tous les problèmes écologiques de la France soient résolus d’ici une génération ». Plus modeste, il concède qu’il lui faudra quand même « deux générations pour le climat ». Ces déclarations révèlent l’ampleur de l’inconséquence de ceux qui nous gouvernent aujourd’hui. Nous ririons si les enjeux n’étaient pas aussi graves.

La compréhension de l’écologie à la Sarkozy, c’est la confusion entre défense de l’environnement et propreté, bref, on voyage dans un jet prêté par Bolloré mais on ne jette pas ses papiers gras sur le tarmac de l’aéroport. La secrétaire d’État à l’Écologie Kosciusko-Morizet n’a, elle, pas peur d’en rajouter en mentant sciemment à ses concitoyens lorsqu’elle affirme que la croissance économique est à partir d’un certain niveau bonne pour l’environnement.

S’allier avec un pareil gouvernement, c’est bien sûr vider l’écologie de sa dimension sociale, mais c’est aussi simplement vider l’écologie de l’écologie. C’est dénaturer l’écologie politique en la transformant en une caution pour des politiques qui sont à la base même de la destruction de la nature.

Pis encore, c’est faire de l’écologie du greenwashing, c’est-à-dire instrumentaliser l’écologie pour en faire un motif pour accentuer plus encore l’offensive ultralibérale.

Néanmoins, ne nous leurrons pas, si un sommet du productivisme semble atteint aujourd’hui avec le gouvernement Sarkozy, ce rôle d’accompagnement et de légitimation d’une politique antiécologique est exactement le rôle qu’ont joué les Verts au sein de la gauche plurielle hier.

Aujourd’hui, ceux qui s’allient avec Nicolas Sarkozy cautionnent des politiques allant fondamentalement à l’encontre de ce qui permettrait de préserver l’environnement, de limiter le réchauffement climatique, de se libérer du pétrole et plus largement des ressources fossiles, de lutter contre l’effondrement de la biodiversité. Les associations qui font alliance avec le gouvernement voudraient faire passer leur opportunisme ou leur incapacité à résister aux ors de la République pour de l’intelligence politique. Rien n’est plus faux. L’action de ces associations n’est pas un « moindre mal », comme nous l’entendons dire trop souvent. Elle n’est ni utile, ni inutile. Elle est surtout et avant tout nuisible. Elle s’inscrit aussi dans des stratégies qui, si nous ne les partageons pas, relèvent au moins d’une certaine cohérence. Le WWF s’allie à la « Nuit des publivores », célébration de l’entreprise de lobotomisation publicitaire. Le représentant de commerce de la marque de junk-produits Ushuaïa Nicolas Hulot fait la morale au peuple du haut de son hélicoptère. L’animateur de TF1 le dit clairement, ce qui le révolte – je cite – « n’est pas tant l’attitude de ceux qui roulent en 4×4 ou en berline puissante en ville ; ce qui m’indigne, c’est l’obstination de l’industrie automobile qui continue à fabriquer des véhicules obsolètes ». Voilà une écologie parfaitement recyclable par un système qui se construit sur l’accroissement des inégalités.

C’est aussi du haut de son hélicoptère, mode de transport décidément très à la mode chez les écotartufes, que Yann Arthus-Bertrand, avec son association Good Planet, voudrait nous dire comment sauver la planète après avoir été dix ans photographe du Paris-Dakar. Regarder Dominique Voynet ou Marie-Christine Blandin des Verts faire les caniches devant Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet est un spectacle affligeant. C’est sûr, tout ce beau monde a plus de chances de se voir agrafer la légion d’honneur au revers de leur veston que nous qui sommes dans cette salle. Ça tombe bien, nous n’aimons pas les hochets pour enfants attardés.
Mais cette opération qu’est le Contre-Grenelle doit se comprendre dans un contexte encore plus large. Ce n’est pas seulement l’écologie politique qui est visée, mais toute la gauche, et par voie de conséquence la démocratie. Cette entreprise ne serait pas possible si la notion même de démocratie n’était pas atteinte dans ces camps. « Pas de pouvoir sans contre-pouvoir », disait Montaigne. Pas de majorité sans opposition. L’une comme l’autre sont consubstantielles à la démocratie. Ce qui relève de cette évidence démocratique ne semble plus du tout une évidence.

La conquête des contre-pouvoirs, de l’opposition, est aussi vitale à la démocratie que la conquête du pouvoir, de la majorité. Or, nous avons le sentiment que tout semble bon aujourd’hui pour atteindre le pouvoir, fût-ce au prix de tous les renoncements idéologiques. La démocratie ne s’accommode pas de ce type de raisonnements. La démocratie, ce n’est pas l’opportunisme érigé en moteur de son action. La démocratie oblige à faire passer des convictions avant les alliances et les calculs.

On nous présente comme une intelligence de la complexité le fait de vouloir être avec le pouvoir et en même temps l’opposition. C’est oublier qu’on ne peut pas être l’opposition et le pouvoir à la fois, sous peine d’être proto-totalitaire.

L’intelligence de la complexité, c’est intégrer cette division consubstantielle à la démocratie. La raison d’être de la France n’est pas de devenir une entreprise où tous les citoyens feraient cause commune pour obtenir le meilleur résultat économique ou la protection de l’environnement la plus efficace possible. Notre pays est une démocratie qui se fonde sur un clivage entre majorité et opposition derrière lequel même l’écologie scientifique doit s’effacer. Une nation doit faire passer la défense de ses valeurs avant la simple raison économique et écologique.

Nous ne nous situons pas dans une perspective manichéenne où il y aurait les méchants d’un côté contre les gentils de l’autre. Nous ne sommes pas des néobolchéviks acharnés à faire tomber la social-démocratie. Non, nous demandons simplement de faire ce choix essentiel à la démocratie : choisir son camp, en prendre acte, et l’assumer. Ne nous laissons pas abuser par ceux qui rejettent dans l’extrémisme ceux qui font preuve de leur haute conscience démocratique en défendant des postures politiques exigeantes. Ne nous laissons pas abuser par de fausses complexités qui masquent de vrais simplismes.

L’instrumentalisation de l’écologie politique s’inscrit dans la même logique que l’instrumentalisation de la gauche et des personnalités qui, en se vendant au gouvernement Sarkozy, atteignent plus encore à la démocratie qu’à leur propre camp.

La sauvegarde de notre environnement passe donc nécessairement par le politique et le réapprentissage de la culture démocratique. Ce n’est pas évident, même pour les objecteurs de croissance. Nous devons lutter en premier lieu contre nos propres démons, contre les discours des pseudo-libertaires dépolitisants ou les postures doctorales. Il est bien naturel de regarder avec un œil circonspect la politique quand des convictions comme les nôtres, celles des objecteurs de croissance, nous tiennent actuellement en marge des institutions.

Nous devons pourtant encourager tout ce qui permet de politiser les discours écologiques allant dans le sens de nos valeurs, même si nous n’en partageons pas exactement toutes les idées.

L’action d’Olivier Besancenot est infiniment plus positive pour l’écologie politique que celle de Nicolas Hulot, car la LCR conjugue social, politique, et environnemental. Certes, sur le point strictement environnemental, il est peut-être un peu moins performant que d’autres, et encore, mais au final l’alliance de ces trois dimensions le rend bien plus efficace pour la sauvegarde de l’environnement. Je le dis sans être ni adhérent de la LCR, ni ligueux, ni communiste, ni révolutionnaire, ou encore trotskiste.

Le Réseau “Sortir du nucléaire” a lui aussi su faire preuve de cet engagement démocratique en s’engageant de manière véritablement dissensuelle. Nos amis de l’association Paysages de France obtiennent des résultats concrets remarquables en se situant dans cette même exigence.

En politique, dans les associations, chez les militants, d’autres font preuve de cette même capacité et maturité démocratique. Nous devons donc apprendre comme nos anciens à être des mouvements, des partis, des associations de combat. C’est non seulement le gage de l’avancée des luttes que nous menons, en termes de stratégie, mais aussi le gage d’une véritable vie démocratique.

La démocratie se fonde sur un conflit sain des idées afin qu’il ne dégénère pas en conflit négatif. C’est dans cet esprit que nous aussi, objecteurs de croissance, nous menons nos engagements. C’est un esprit de combattants pacifistes, de démocrates et de non-violence. C’est ainsi que nous contribuerons le mieux à la défense de la nature, un combat certes important, mais plus importante encore pour nous est la défense des valeurs humaines et sociales. Merci.